ET SI ON ARRÊTAIT D’ANNULER SON RENDEZ-VOUS CHEZ SON DOCTEUR ?




Quel médecin ne connait pas le rendez-vous non honoré, sans prévenir ni même s’excuser, le patient se dérobe maintenant à la vitesse de l’éclair. 

Peur de l’aiguille ? Peur du devis ? Peur de la métamorphose ? Ou peur simplement de rater un autre rendez-vous important ? Et si le rendez-vous non honoré n’était pas plutôt explicable par la philosophie ? 



Avoir littéralement les autres à portée de main, a changé le rapport que nous avons avec les autres. Les joindre avec un message tapé à toute vitesse sur le clavier de son téléphone ou prendre rendez-vous via un profil DoctoLib. 

Entre recommandations d'amis sur Facebook, propositions de contact sur LinkedIn et relations de la "vraie vie", nos réseaux se multiplient à l'infini et se transforment en dédales de possibilités.


Séduits par ce fourmillement, persuadés qu'une vie riche se définit avant tout par un quotidien surchargé, nous sommes de plus en plus nombreux à être pris d'une frénésie de rendez-vous, issus du monde virtuel. Cette tendance à l'accumulation est la conséquence d'une forme de pression, d'un culte de la performance particulièrement prégnant dans notre société. Prendre pléthore de rendez-vous est une manière de répondre à des impératifs personnels et professionnels toujours plus nombreux.

L'étymologie latine du terme 'agenda' signifie 'choses à faire'. Et le fait qu'il soit très riche témoigne depuis toujours d'un certain rapport au temps, où vivre, c'est être actif. La nouveauté, en revanche, réside dans une nouvelle tendance à annuler ces engagements, et à le faire, bien souvent, au dernier moment. Et même pire à « planter » littéralement son rendez-vous.

Face à la multiplicité des possibles, prévoir et s'engager semble, pour beaucoup, une attitude quasi obsolète qui vient faire obstacle à nos envies mouvantes et à nos désirs subis. Programmer un rendez-vous témoigne d'un sentiment d'obligation. Ce que l'on note nous contraint, cela rompt le continuum de notre existence et nous limite.

Notre propension à annuler indique une défiance farouche vis-à-vis de la notion d'engagement. Cette réticence face à ce que nous ne choisissons pas nous permet d'affirmer notre individualité, de montrer que l'on ne s'en laisse pas conter. Et l'illusion de liberté qui en découle se trouve largement nourrie par les nouvelles technologies.

On s'autorise ainsi à refuser la contrainte parce qu'il est possible de prévenir son interlocuteur à tout moment, oui mais alors pourquoi le patient ne prévient pas la secrétaire ou même ne laisse pas de message sur le messenger du praticien ? Le patient a-t-il pris conscience au moins de la possibilité d’annuler ?

Une chose est sûre, j’encourage les médecins de s’octroyer les services d’entreprises de communication mobile pour inviter des messages rappelant l’imminence d’un rendez-vous. 

Plutôt que de passer un moment potentiellement décevant, nous sommes également nombreux à préférer nous défausser en nous persuadant qu'il y a toujours mieux ailleurs, plus séduisant et plus intéressant. Ce syndrome a même un nom, le Fomo (fear of missing out, soit la "peur de rater quelque chose").

L'idée que la rencontre doit être "rentable". D'un rendez-vous à l'autre, nous cherchons à peaufiner une version plus glamour de nous-même, qui nous aide à nous valoriser aux yeux des autres... et de nous-mêmes.

Prévoir des rencontres en cascade permet de se percevoir comme quelqu'un de cool. Pouvoir dire 'Je ne peux pas, j'ai déjà quelque chose de prévu' donne l'impression que nous sommes très demandés, donc socialement désirables.

Mais plus on est occupé, plus on craint de se retrouver face à soi-même. Lorsque l'on ne va pas très bien, on utilise son téléphone pour créer un contact quasi permanent avec les autres et conforter le sentiment de faire partie d'un groupe. Ce n'est rien d'autre qu'une fuite en avant.

C'est un cercle vicieux. Le patient se sent coupable mais non responsable.

Toutefois, des voix se font de plus en plus nombreuses pour dénoncer cette contagion de l'annulation et prôner le retour à une juste maîtrise de nos agendas. Une façon, en somme, de mieux respecter l'autre. Cela passe par des choses toutes simples, et notamment par le fait d'opérer un tri dans le foisonnement de nos obligations. Ce travail de sélection permettra aussi de retrouver la valeur et la rareté d'un rendez-vous qui compte. Celui que l'on attend et que l'on n'imagine pas du tout annuler.

Patient, si vous n’avez pas besoin de noter le rendez-vous avec votre chirurgien ou votre médecin, si ce rendez-vous vous est cher, alors vous êtes sur la bonne voix, si vous hésitez, ne prenez pas rendez-vous, ou alors annuler-le, prévenez le praticien via sa secrétaire son mail ou sa page Faeebook.

Praticien, soyez disponible pour votre patient, mail, téléphone pro, messenger, whatsapp..

Le rendez-vous deviendra un rendez-vous avec soi-même...

Finalement cette fuite en avant, ne serait-elle pas une blessure narcissique ?


Thomas Josse


Contact communication : agencethomasjosse@gmail.com

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